Cela faisait des jours que la bande des Brandons de Mar'lo était perdue. La nuit était tombée et la bande avait allumé les petits braséros fixés à la tête de leurs armes comme ils le faisaient en général avant chaque combat.
Se perdre leur arrivait assez fréquemment lors des départs de raid. Le Seigneur Raxos était peut être un chef charismatique mais il était totalement dépourvu de sens de l'orientation, et comme il était trop fier pour avouer ses faiblesses, il annonçait toujours qu'il se trouvait exactement là où le portait le destin.
La prêtresse Vatra, qui était la seule à pouvoir oser espérer lui faire une remarque sans se faire agresser ne manqua pas de le moucher.
- Nous sommes perdus au beau milieu de la nuit en lisière du royaume des Bêtes mon seigneur. Ne devions nous pas nous rendre à la Varanspire pour prouver notre valeur au Sombre Seigneur Archaon ?
- Le portail que nous avons emprunté nous à porté en ces terres pleines d'arbres à incendier. N'est-ce pas un augure suffisant à tes yeux, sorcière ? Lui répondit le colosse à mis chemin entre la colère honteuse et le sarcasme. Ici, il ne manquera pas d'adversaire à combattre qu'en dis-tu ?
Personne n'insista et le voyage continuait dans un silence relatif. Ils n'étaient pas particulièrement discrets. Portant des vêtements voyants et des torches accrochés à leurs casques, leur attitude semblait plus vouloir dire : attention on arrive ! qu'un semblant de discrétion propre aux pillards plus classiques. Ce n'était pas forcément la meilleure attitude à adopter dans le royaume de Ghur où l'univers tout autours de vous était constitué de prédateurs prêts à vous dévorer tout cru, mais jusqu'à présent, en lisière des bois, tout allait pour le mieux. Raxos et Krastos ouvraient la marche. Les deux gigantesques guerriers se frayaient un chemin au travers des fougères rasoir à l'aide de leurs armes incandescentes. Les arbustes prenaient feu à chaque fois qu'ils les fauchaient mais l'incendie ne se propageait jamais. Les plus jeunes guerriers en queue de peloton auraient juré avoir vu la végétation se déplacer pour éviter les flammes. Il leur eut même semblé qu'un genre d'acacia rougeâtre avait éteint des flammèches en les tapotant avec ses branches.
Tout ici était vivant et terrifiant, mais Raxos ne semblait pas s'en inquiéter outre mesure. Les guerriers de têtes avançaient, stoïques comme s'ils avaient déjà traversé ces terres -ce qui était peut-être le cas.
Soudainement, Krastos leva le poing faisant saillir ses deltoïdes de forgeron bodybuildé. Tout le monde se figea sur le champ, le Champion d'Airain venait de repérer quelque chose de dangereux.
Il pointait du doigt un petit monstre frêle qui se découpait dans le ciel nocturne. La créature était à peine plus grosse qu'un enfant. Son visage allongé, son nez en bec de corbeau, ses oreilles pointues légèrement tombantes et ses grognements sinistres évoquaient un Gobelin, l'une des créatures les plus pitoyables qu'un guerrier pouvait espérer rencontrer. La créature se tenait sur un genre de tour de gué constituée de tiges de bambou accrochés au crâne géant d'un prédateur mort depuis des siècles.
- Gobelin ? Soupira Travakos à l'oreille de Kalexes, son entraîneur.
- Je ne sais pas trop. Possible. Ils sont rarement seuls. Répondit le guerrier en armure sombre.
- Gnoblar, je pense. Susurra Helax, le petit frère béni du Seigneur Raxos. Il y aura peut être des...
- OGRES ! Braya Raxos de sa voix tonitruante qui éclata comme le tonnerre. Un vol d'oiseaux de nuit s'envola terrifié.
Les arbres étaient secoués par la course de mastodontes bipèdes qui se dirigeaient vers les Brandons.
Ces derniers venaient de se séparer en hurlant un cri de guerre à la gloire de la Flamme sacrée. Les pillards les plus anciens étaient rompus à leur méthode de combat. Ils s'étaient séparés pour forcer l'ennemi à en faire de même, mais les deux initiés se retrouvaient seuls, perdus dans la forêt.
- Oh putain ! Oh putain ! Jurait Travakos en préparant son fléau d'arme embrasé, l'outil le moins adapté pour un combat entouré de branches basses.
- Il y en a un qui s'approche ! S'étrangla sa sœur Ottraya, la voix rendue aigüe par la peur.
Un Ogre fonçait sur eux, armé d'une masse aussi grosse que la jeune femme.
*
Comme d'habitude, le Seigneur Raxos était entouré des deux autres filles du clan. C'est ainsi qu'il avait constitué les groupes de combat pour une raison assez évidente, bien que personne n'osât jamais le lui faire remarquer.
Il savait que le temps leur était compté, la nuit était déjà bien avancée, et il serait difficile de monter un bon campement dès que le ciel serait noir comme la poix. Heureusement pour eux, les chasseurs Ogres pensaient exactement la même chose. L'arrivée des pillards du Chaos les avait ralenti et ces derniers enrageaient de devoir les combattre alors qu'ils n'étaient pas armés pour la guerre. Ils revenaient chargés de viande. Leurs armes de trait qui avaient été un gros avantage lors de leur partie chasse étaient presque totalement inutiles avec aussi peu de luminosité.
Eux aussi tentaient d'éviter au maximum la confrontation directe, mais s'ils pouvaient ramasser un peu de barbaque en plus au passage, c'était toujours ça de pris !
Raxos, la prêtresse Vatra et la guerrière Vaktrian étaient les plus proches d'une petite clairière, mais ils étaient également, sur la route d'un trio d'Ogres particulièrement imposants. Le combat s'engagea rapidement. Deux des Ogres avaient pris les trois guerriers en chasse tandis que le troisième avait bifurqué pour aller déloger les initiés restés en arrière.
Krastos, Helax et Kalexes fermaient la marche, bien décidés à isoler un quatrième Ogre retardataire.
Fort heureusement pour les Brandons, la nuit empêchait les colosses d'utiliser leurs armes de trait à plein potentiel, mais ces derniers réussirent tout de même à toucher Vatra et Travakos.
Ce dernier ripostait à distance, de toute l'allonge de son fléau d'arme, pour protéger sa petite sœur et lui permettre de se mettre à couvert. Ses attaques eurent le mérite de surprendre le chasseur Ogre qui s'attendait à des proies un peu plus dociles.
Tandis que Vatra essayait autant que possible de rester à bonne distance des traits des chasseurs géants, Vaktrian se mit entre elle et l'un de leurs énormes adversaires, bien décidée à protéger sa prêtresse. L'Ogre lancé en pleine course la faucha littéralement, l'envoyant valdinguer au beau milieu des fougères. Heureusement pour Vaktrian, à peine Vatra avait elle aperçu le premier Gnoblar, qu'elle lui avait aussitôt roussi les oreilles à l'aide du langue de feu. Ces derniers avaient immédiatement pris la fuite et n'étaient donc plus là pour achever les blessés de la bande !
Le Seigneur Raxos fût également la victime de la charge d'un Ogre, mais l'armure de ce dernier lui permit de rester sur pied en encaissant le plus gros du choc.
Le coup aurait pût déraciner un arbre, mais, crachant du sang, Raxos tenait bon. D'un coup de taille de son épée à deux main, il éventra son adversaire. Lâchant son arme, le chasseur Ogre retint ses tripes de tomber au sol de deux mains libres. Raxos et Vatra en profitèrent pour prendre la fuite.
L'Ogre survécut à la confrontation mais décida par la suite de prendre une retraite bien méritée.
Voyant le vent tourner, l'adversaire des deux initiés décida de laisser tomber leur poursuite pour aller suivre son chef vers un coin de la forêt plus sécurisé et propice à la création d'un campement. Les deux jeunes guerriers restèrent cachés à couvert un moment, prêts à défendre leur vie si leur poursuivant décidait de venir finir le travail.
De leur côté, Krastos, Helax et Kalexes se jetèrent sur l'Ogre retardataire armé d'une espèce de canon chargé de lances, de masses et d'autre projectiles aussi surprenants que dangereux.
Alors qu'ils allaient fondre sur le chasseur pris au dépourvu, un Gnoblar venu de nulle part s'interposa entre l'Ogre et le Champion d'Airain. Profitant de cette opportunité, l'Ogre décida de se débarrasser de l'adversaire le moins dangereux des trois afin d'équilibrer les chances. Il utilisa son canon comme un bélier, et l'une des lance qui en dépassait s'enfonça dans le ventre de Kalexes qui grognait de douleur en s'effondrant au sol.
Bien entendu, Krastos se débarrassa du Gnoblar en le regardant à peine, tandis qu'Helax s'embrasait pris par une rage combattive soudaine. Ce dernier martelait l'Ogre de ses poings enflammés. Aussi puissant et résistant qu'il pouvait l'être le chasseur n'avait aucune chance face aux deux combattants aguerris qui le mirent rapidement au sol.
*
Les bois redevenaient silencieux. Travakos et Ottraya recroquevillés sous la souche d'un chêne de sang attendaient, le cœur battant que les minutes passent. La main d'Ottraya effleura un bout de parchemin. Il s'agissait d'une carte de la zone tracée en encre rouge. Formidable ! Les jumeaux allaient pouvoir rentrer sereins, malgré le retard qu'ils avaient fait prendre au reste du groupe, le Seigneur Raxos les pardonnerait en voyant la carte... peut-être...
Le domaine de Mordant s’étendait sur un petit territoire, au dessus des ruines de Velorum la Perdue. Il consistait principalement en un lac toujours gelé et entouré de neiges éternelles, en dépit de la faible altitude du lieu dans la chaîne des Pics du Crâne.
Le blanc s’étendait sur quelques kilomètres carrés, tranchant avec le gris coloré du granit qui apparaissait autour. Et au milieu du blanc pur, des lignes parallèles d’un rouge vif, menait jusqu’au rituel qui se tenait au milieu du lac.
Transpirants, les jeunes recrues de la tribu des Favoris de Mordant, venaient juste de casser l’épaisse couche de glace pour former un puits sacrificiel.
Les guerriers plus aguerris maintenaient de force trois prisonniers accroupis dans la neige. C’étaient les derniers survivants de leur dernier raid sur un campement de bande rivale.
Les morts avaient également été amenés, empilés sur deux traîneaux, où ils se vidaient par leurs plaies béantes.
Sus, l’Oracle de Mordant, un couteau sacrificiel à la main, prit la parole en s’approchant des prisonniers. Sa voix portait très loin, dans le calme du lieu.
— «Vaincus, Mordant vous réclame. Il a soif. Mais il ne veut pas que votre sang, il veut vous voir, il veut voir votre sacrifice !»
Puis, la tête en arrière, il enfonça son couteau dans chacun de ses yeux. Il ne tressaillit même pas car après tout, ce n’était ni la première, ni la dernière fois qu’il le faisait. Puis tandis que le sang chaud et fumait sur ses joues, il sortit un gigantesque œil d’une bourse de peau tannée qu’il avait à sa ceinture, puis le tint d’une main, tourné vers les prisonniers.
Quand Sus reprit, sa voix avait changé, dénuée de la moindre chaleur, et pour la première fois depuis longtemps, une très légère brise, à peine perceptible passa entre les participants assemblés.
— «J’ai un message, mes Favoris. Il va vous falloir descendre de notre territoire, et retourner en plaine. Vous êtes attendus. Vous n’avez qu’à suivre le vent…»
Sur ce dernier mot, une violente bourrasque se mit à souffler, charriant la neige posée sur le lac, se dirigeant vers le Nord-Est, vers la route qui reliait la forteresse de Varanspire à la Mâcheporte.
— «MAIS MAINTENANT, J’AI FAIM !»
Hraed, le chef de la bande et Exécuteur pour Mordant hocha la tête puis sans un mot, de sa gigantesque hache coupa la tête des trois prisonniers au dessus du puits. Plus le sang coulait, plus l’air fraîchissait.
Une fois que le sang se tarit des corps étêtés, ils furent jetés dans le puits, ainsi que les corps qui avaient été amenés, avec les traineaux. Ils n’en auraient pas besoin dans la vallée.
Mordant était content, le sang et les crânes seraient pris dans les glaces très vite.
***
Velorum la Perdue n’était plus que quelques murs effondrés. Parfois un bout de statue frappé d’un éclair stylisé se devinait sur un pan de mur ou au sol sous la végétation. La cité avait été florissante, mais plus grand monde ne pouvait en témoigner. Pour les mortels du moins, qui ne pouvaient pas prétendre à avoir connu cet âge.
Un des anciens faubourgs était parcouru d’un ruisseau à l’eau sale, qui avait peut être fait le bonheur des filatures autrefois, mais qui aujourd’hui faisait le malheur de la faune et de la flore qui s’y abreuvaient.
Les environs étaient parsemés de corps d’animaux en décomposition, de plantes malades, et seules des nuées de nuisibles semblaient s’épanouir dans ce cloaque.
En amont de ce ruisseau, un lac gelé fournissait l’eau souillée par les sacrifices des prisonniers des Favoris de Mordant.
Grand-Père Nurgle avait toujours su soustraire les offrandes à son frère.
Le caravansérail de l’Oasis de la Crinière Dorée tirait son nom d’un monument à quelques heures de là. C’était généralement la dernière halte des pèlerins qui s’y rendaient, ainsi qu’un des rares lieux de repos pour les marchands et voyageurs qui devaient traverser le désert de La Désolation de Khul. Le lieu était paisible, les soldats des différentes caravanes et des escortes aussi bien que la poignée de soldats qui y étaient en garnison suffisaient à imposer un semblant de paix juste par leur présence. Beaucoup de mercenaires douteux y passaient, et généralement, ils arrivaient discrètement, et repartaient également sans un bruit.
Pâles dans le lointain, les éminences des Flèches de Feu portent bien leur nom. Le soleil qui se levait à l’Est les éclairait de son rougeoiement et magnifiait leur couleur naturelle. Le ciel était encore sombre à l’Ouest, et l’horizon dessinait donc des dents rougeâtres sur fond anthracite.
La nuit avait été très reposante pour Neocaisaros. Sa caravane avait récupéré une grande quantité d’épices, de tissus, de tapis sur le port de Fort Ignis qui était le terminus de beaucoup de bateaux venus des lointains rivages de l’Est. Certains contournent la Désolation et vendent leurs chargements directement sur les marchés des faubourgs de la Forteresse d’Obsidienne. Lui vivait des chargements qui ne passaient pas par la mer.
Mais si la nuit fût bonne, le réveil le fût moins. Il profitait de l’air encore frais de l’aube, quand il entendit des discussions animées dans les tentes de sa caravane. Puis des cris.
Certains des membres de sa garde avaient été retrouvés égorgés. Et si la vente de sa marchandise était la source de son revenu, des voyageurs payaient pour sa protection. Cette fois, un vieux rat de bibliothèque aussi racorni que les livres qu’il portait, ainsi que quelques familles qui cherchaient à rejoindre l’Ouest pour s’y installer avaient payé leur place dans sa caravane.
Et c’était eux qui manquaient.
Tout d’abord, il était certain pour Neocaisaros qu’ils l’avaient abusé. Ils avaient rejoint la caravane pour la piller à la première occasion, et c’était chose faite. Il allait falloir faire l’inventaire de ce qu’ils avaient dérobé et voir si le temps et l’énergie à consacrer à les poursuivre allait pouvoir compenser le butin des fuyards.
Puis bien plus tard, il apprit que les autres marchands avaient été victimes des mêmes crimes. Soldats tués et voyageurs disparus.
Il fallut que la garde qui veillait sur l’Oasis enquête un peu pour faire le lien entre les différents événements : des gardes neutralisés, des familles disparues, et surtout une bande de mercenaires qui avait pris la clef des dunes.
Le sable gardait les traces des passages, surtout quand il y avait peu de vent comme ce jour-là. Le problème était que les mercenaires semblaient s’être séparés et étaient partis dans toutes les directions à la fois…
***
L’esclavagisme était mal vu dans les villes. Mais dans certains coins reculés de La Désolation de Khul, la main d’œuvre gratuite était préférée à la main d’œuvre bon marché. Et là où il y avait un besoin, il y avait des marchands.
Les Janissaires d’Hanan s’étaient spécialisés pour trouver ces esclaves. Ils avaient toujours de la marchandise de premier choix. De nouveaux esclaves qui n’avaient pas encore été brisés par des années de labeur. Ils demandaient généralement plus de coups de fouet pour accepter la servitude, mais il était compliqué d’avoir de la première main.
Cette fois, ils avaient amené deux familles. L’un des deux chefs de famille était forgeron, l’autre charpentier. Leurs compétences seront appréciées au fond de la mine. Les femmes et les enfants qui les accompagnaient serviraient respectivement d’aides de camps et de futurs mineurs dans les sous sols, pour remonter la lignite qui servira dans les forges Sigmarites des environs. Et femmes et enfants permettront également d’assurer la docilité des nouveaux venus.
Hanan maintenant délesté des familles enlevées à l’Oasis de la Crinière Dorée savait qu’il ne pourrait pas y remettre les pieds. Il avait déjà décidé de partir vers le Sud, sur la côte. Le désert était épuisant, et il fallait parfois passer de longues journées sans trouver quoi que ce soit à capturer. Souvent, des malfrats ayant sévi dans le Sud de la Désolation de Khul vantaient les richesses récupérées en jouant les naufrageurs le long de la côte ou en explorant les ruines des Forts Dents-de-Scie qui surplombent toujours les flots.
Ils avaient en plus avec cette dernière vente de quoi tenir quelques semaines sans souci, et c’est après avoir rempli de nombreuses outres d’eau et avoir racheté à prix d’or quelques denrées que la mine acceptait de leur céder qu’ils partirent vers le Sud-Ouest, pour minimiser leurs chances de tomber sur une patrouille du caravansérail de la Crinière Dorée. Prochaine étape, la mer des Eaux Sanglantes.
***
Le paysage était monotone, un erg sans fin. De la caillasse, et encore de la caillasse, fendu par une route à peine dessinée par l’usure causée par les caravanes s’étant succédées au fil des ans.
Hanan fut surpris quand il vit le gros de la caravane rattraper ses éclaireurs. Kaliq et Zakiyah étaient arrêtés et regardaient vers l’avant.
— «Qu’est-ce qui se passe ? dit Hanan.
— Une voyageuse. Seule» répondit Kaliq.
Hanan regarda l’endroit que désignait Kaliq avec une longue vue qu’il avait avec lui, et il découvrit effectivement une femme, qui avançait seule, sans escorte d’aucune sorte, sur la piste. Elle avançait en s’appuyant sur ce qui semblait un bâton plus haut qu’elle.
— «Et bien capturez-la.
— Bien mon Cheikh…»
Aussitôt les deux éclaireurs, suivi de quelques autres cavaliers s’élancèrent à la rencontre de la femme, et commencèrent à tourner autour, pour l’empêcher de fuir. Elle ne tenta pas de se défendre, et resta au sol quand un des cavaliers lui assena un coup de pied au visage.
Elle fut prestement enchaînée et amenée jusqu’au reste de la troupe.
Hassan pu découvrir la captive, et il remarqua qu’elle était très belle. Elle exhalait une douce odeur, mélange épicé et musqué, qui donnait à sa peau noire l’apparence d’un met délicat et rare. Cette odeur le titillait, et il ne semblait pas être le seul, puisqu’il dû repousser ses guerriers qui lorgnaient de façon trop insistante sur son nouveau trésor.
***
Pendant tout le trajet du reste de la journée, il eut l’impression de remarquer des choses anormales. Tout d’abord, après qu’il eut imposé que la captive fut chargée sur sa monture, il lui sembla que ses guerriers s’approchaient de lui pour galoper à ses côtés. Parfois même les sens échaudés de ses guerriers les faisaient se chamailler, oralement comme physiquement, et quelques chutes furent à noter après que plusieurs guerriers se soient disputés une place à ses côtés. Lui-même se trouva parfois à défendre son espace opiniâtrement, accélérant pour distancer les curieux.
Autre chose étrange, il remarqua que la captive était consciente. Jamais elle ne tenta de s’enfuir, ni même d'émettre la moindre objection à sa capture. Elle était là, ligotée, sans réaction, sans même exprimer la moindre inquiétude.
Il eut le plus grand mal à repousser ses hommes lorsqu’à la tombée de la nuit il montaient leurs tentes. Il hurla même sur un de ses hommes qui s’était approché trop près de sa prisonnière. Il avait l’impression d’être une hyène repoussant un congénère ne respectant pas l’ordre d’attribution de la pitance.
Son odeur l’enivrait. Son odeur le rendait fou. Il sentait les pulsions et la colère obscurcir sa vision d’un voile carmin.
Toute la nuit, il entendit des bruits de l’autre côté de la tente. Ces chiens qu’il appelait ses hommes avaient flairé sa possession. Mais c’était lui qui dominait, c’était à lui de se servir en premier.
Et la longue nuit de Glissete, la captive, ne fit que commencer. Pourtant, elle ne gémit pas une fois, ne se débattit pas une fois tandis que tous les hommes sans exception de la bande passèrent par la tente du chef, partager le butin de la meute, parfois plusieurs fois chacun.
***
Le lendemain, ouvrant les yeux, Hanan ne retrouva pas son trésor, et la sensation d’avoir perdu tout ce à quoi il tenait le pris à la gorge. Il se rua au dehors de sa tente, encore nu, et trouva Glissete auprès du feu avec deux guerriers qu’il ne connaissait pas.
Il s’arrêta de surprise, puis fut soulevé du sol et jeté aux pieds des inconnus. Tourmenté par la perte de Glissete, il n’avait pas vu le gigantesque Slaangor derrière lui qui l’avait projeté.
Le plus grand des guerriers qu’il ne connaissait pas se leva et le maintint au sol de sa botte. Ses atours semblaient ceux d’une guerrière, mais sa voix était celle d’un homme.
— «Bonjour, Hanan. Je suis Vasillac. Et ta bande va dorénavant travailler pour moi. Votre salaire sera Glisette».
***
Les janissaires changèrent de plans dans les mois qui suivirent, et ils pillèrent de bien nombreux villages, repartant avec les deux seules choses qui leur importait. Des captifs, et leurs tourments.
La bande partit bien vite de la Désolation de Khul, semant la terreur et la désolation, et s’attirant l’inimitié de tous ceux qu’ils affrontaient. Il y avait trop peu de villages, et beaucoup de pillards. La chance des Janissaires Dépravés était qu’ils vendaient les services de leurs esclaves torturés, passant de camp en camp et vendant les charmes de leurs captifs.
Généralement, ça se passait bien, et ça aurait pu être lucratif si ce commerce était marchand. Mais les Janissaires vendaient la dépravation contre la souffrance de leurs esclaves. Parfois, ça se passait moins bien. Ils avaient noué des relations exécrables avec tous ceux qui n’étaient ni leurs clients, ni leurs victimes. Et ils avaient de bien nombreuses fois affrontés des fanatiques et preux guerriers insensibles aux avantages de ce lupanar itinérant ressemblant parfois à une attraction de forain présentant des monstres aux gens crédules.
Ils avaient notamment eu de nombreux accrochages avec les Brandon de Mar’lo. Des fanatiques ayant toujours de la poudre d’Amadouvier à portée. Ce qui s’embrasait à la moindre étincelle.
Puis dans un jeu du chat et de la souris, les deux bandes passant un temps non négligeable à se tourner autour et saboter leurs plans respectifs, Les Janissaires Dépravés d’Hanan passèrent d’Aqshy aux Huits Points, à la suite des Brandons de Mar’lo, cherchant à se venger d’un affront quelconque, peut-être même déjà oublié. S’il avait déjà eu lieu.
Quelques jours plus tard, Hanan et ses guerriers se retrouvaient par un hasard de circonstance dans les tribunes d’une vieille arène des Vestiges de Soufflesang.
Des Hérauts y parlaient de Gloire, de Sombre Seigneur, de Mort, de Violence. Et il voyait toutes ces promesses non loin, mais les Brandons lui promettaient l’assurance d’un avenir où tout ça arriverait, et en excès.
L’histoire des Brandon de Mar’lo se perd dans les brumes du temps. On prétend que leur origine remonte au Monde qui Fût quand un héros mythique nommé Mar’lo le répurgateur et sa troupe de valeureux guerriers traversaient les terres de légende pour porter la parole de la flamme sacrée. Certains prétendent qu’il était un Éternel de Sigmar, d’autre un Saint Homme qui purgeait le mal par les flammes. En tout cas, sa légende a survécu et le temple des héritiers de la flamme des Brando de Mar’lo le vénère comme fondateur mythique.
Vatra, la prêtresse ardente récitait le crédo devant une troupe de jeunes enfants qui buvaient ses paroles sous le soleil couchant des soirées brûlantes d’Aqshi.
Notre Seigneur Raxos Carvas ici présent, poursuivit elle en désignant diligemment le colosse en armure de bronze affalé dans son trône de pierre surplombant la cour du temple, est le porteur des reliques sacrées du temple et l’un des gardiens de la Flamme éternelle. Sa mission, et celle de nos valeureux champions, est de porter haut la parole de la flamme et de purger les impies qui nieraient la supériorité absolue de la Flammes sur tous les autres divinités et éléments. Qui peut me dire quelles sont les vertus de la Flamme ?
Moi ! Moi ! s’écrièrent les enfants en levant la main, excité de pouvoir donner des réponses faciles.
Je t’écoute Haxos.
La Flamme réchauffe ! Annonça fièrement le bambin.
Bien. Quelqu’un d’autre ?
Elle cuit les aliments ! Enchérit une petite fille.
C’est bien ! Autre chose ?
Elle brûle !
Elle purifie !
Elle permet de forger des armes !
C’est le premier outil !
Elle éclaire !
Elle repousse les bêtes !
Elle repousse les ténèbres !
La liste continuait, encore et encore, les enfants redoublant d’inventivité pour épater leur maîtresse devant le regard fier et amusé du Seigneur Raxos.
La Flamme, les enfants, expliquait Vatra, est une force qui nous pénètre et nous traverse, et qui lie toutes les créatures et toutes les choses inflammables en un tout unique. Si vous vous entraînez suffisamment, il est possible de la dompter et de s’en servir.
La prêtresse ponctua son discours en soufflant sur une petite torche. Un jet de flamme en jaillit et alla embraser un petit buisson sec qui se racornit aussitôt. Les enfants étaient aux anges. Rien ne leur plaisait plus que de voir des choses incendiées.
La vie était paisible dans le temple. La troupe des guerriers revenait à peine d’une purge dans les terres de l’Ordre. Ils avaient immolé des mécréants, pillé, violé leur saoul et il était temps de profiter d’un moment de répit.
Les jumeaux Vortos, les derniers initiés, s'entraînaient avec les frère et sœur Hastanax. Les deux Ignés étaient chargés de leur formation martiale car les jumeaux les accompagneraient pour la première fois pour une véritable mission. Ils n’étaient pas encore autorisés à porter de véritables armes. Ils combattraient donc avec un encensoir et avec un chandelier assez lourds pour briser un crâne.
Krastos, le grand frère de Vatra et Champion d’Airain du temple, était quant à lui occupé à la forge. Il pouvait passer des heures à marteler. Raxos le soupçonnait de taper sur le métal sans autre but que de se défouler, car sa production d’armes était finalement assez anecdotique. Enfin, Helax, le jeune frère du seigneur Raxos, pratiquait inlassablement son tao et ses danses rituelles. A sa naissance, un vieux prêtre avait prédit qu’il parviendrait à communier avec la Flamme mais jusqu’à présent, il n’y était jamais parvenu.
Combien de temps par jour peux-tu passer à frétiller comme une braise au vent jeune frère ? Moqua Raxos de sa voix tonitruante qui gronda comme le tonnerre sur la montagne.
Au son de sa voix, tous se figèrent et le regardèrent inquiets. Raxos était connu pour ses excès de violence. Sa rage et sa fureur était légendaire et tout le monde se demandait si Helax avait fauté et s’il allait de nouveau servir de souffre douleur à son aîné.
Helax serrait les dents, visiblement courroucé. Le Seigneur Raxos portait une armure ouvragée qu’il ne quittait jamais. Il était armé de l’espadon relique. Il était, pour ainsi dire, à part les deux Ignés, le seul soldat en arme de la troupe. Helax était à demi nu et n’avait jamais eu l’autorisation de prendre les armes. Bien qu’il ait compensé par une solide formation en arts martiaux, il savait n’avoir aucune chance face à son frère et devrait, une fois de plus, subir ses affronts sans broncher.
Mais il le savait, malgré ses grands airs, Raxos était jaloux car ce n’était pas lui le véritable élu annoncé, ce n’était pas lui qui était destiné à communier avec la flamme. Au final, il n’était qu’un colosse de granit aussi inutile qu’une statue dans un jardin !
Danse pour nous ! Insista Raxos pour humilier son frère.
C’en fût trop ! La rage consuma littéralement le jeune Helax. Des flammes sortaient à présent des pores de sa peau, couraient le long de ses bras et de son torse alors que son kata devenait plus ample, plus vigoureux et plus combatif. Il poussa un hurlement de défi et son torse s’embrasa totalement.
Dans le temple, les spectateurs étaient sans voix, médusés. Raxos se leva et toisa son frère, incrédule.
Tu l’as fait ! Loué soit la Flamme ! Ta colère t'a rendu plus fort que jamais petit frère ! Tu l’as fait ! Tu as enfin communié avec la Flamme éternelle ! Raxos était honnête, il était épaté, fier et interloqué à la fois.
Imitant leur seigneur, les autres membres de la congrégation explosèrent de liesse. Seule la peur de finir immolés les gardait de porter Helax en triomphe. La colère de ce dernier s’était muée en fierté car le peuple d’Aqshi est ainsi. Il passe d’une émotion à une autre en un claquement de fouet…
Aujourd’hui est un grand jour mes frères et sœurs ! La Flamme nous a montré la voie au travers de mon petit frère ! Nous allons porter la bonne parole, piller et brûler en son nom ! Jamais le temple ne se sera couvert d’autant de gloire ! Nous irons aux huit points, jusqu’à la Varanspire et Archaon lui-même entendra notre nom !
Quand partons-nous ? demanda Kalexes Hastanax qui avait brutalement mis un terme à l'entraînement des initiés d’un violent coup en traître sur la tempe du jeune Travakos tandis que ce dernier observait le miracle en cours.
Maintenant ! Tona Raxos. Dès que tu auras réveillé ton disciple et que vous aurez réuni le matériel et les provisions.
Combien de temps durera notre voyage ? S’enquit Vatra que l’enthousiasme de son maître commençait à inquiéter.
Des jours, des mois, des années ! Le temps qu’il faudra pour que nous laissions notre empreinte sur les Royaumes Mortels ! Conclut le colosse en armure.
Les chasseurs géants
Cela faisait des jours que la bande des Brandons de Mar'lo était perdue. La nuit était tombée et la bande avait allumé les petits braséros fixés à la tête de leurs armes comme ils le faisaient en général avant chaque combat.
Se perdre leur arrivait assez fréquemment lors des départs de raid. Le Seigneur Raxos était peut être un chef charismatique mais il était totalement dépourvu de sens de l'orientation, et comme il était trop fier pour avouer ses faiblesses, il annonçait toujours qu'il se trouvait exactement là où le portait le destin.
La prêtresse Vatra, qui était la seule à pouvoir oser espérer lui faire une remarque sans se faire agresser ne manqua pas de le moucher.
- Nous sommes perdus au beau milieu de la nuit en lisière du royaume des Bêtes mon seigneur. Ne devions nous pas nous rendre à la Varanspire pour prouver notre valeur au Sombre Seigneur Archaon ?
- Le portail que nous avons emprunté nous à porté en ces terres pleines d'arbres à incendier. N'est-ce pas un augure suffisant à tes yeux, sorcière ? Lui répondit le colosse à mis chemin entre la colère honteuse et le sarcasme. Ici, il ne manquera pas d'adversaire à combattre qu'en dis-tu ?
Personne n'insista et le voyage continuait dans un silence relatif. Ils n'étaient pas particulièrement discrets. Portant des vêtements voyants et des torches accrochés à leurs casques, leur attitude semblait plus vouloir dire : attention on arrive ! qu'un semblant de discrétion propre aux pillards plus classiques. Ce n'était pas forcément la meilleure attitude à adopter dans le royaume de Ghur où l'univers tout autours de vous était constitué de prédateurs prêts à vous dévorer tout cru, mais jusqu'à présent, en lisière des bois, tout allait pour le mieux. Raxos et Krastos ouvraient la marche. Les deux gigantesques guerriers se frayaient un chemin au travers des fougères rasoir à l'aide de leurs armes incandescentes. Les arbustes prenaient feu à chaque fois qu'ils les fauchaient mais l'incendie ne se propageait jamais. Les plus jeunes guerriers en queue de peloton auraient juré avoir vu la végétation se déplacer pour éviter les flammes. Il leur eut même semblé qu'un genre d'acacia rougeâtre avait éteint des flammèches en les tapotant avec ses branches.
Tout ici était vivant et terrifiant, mais Raxos ne semblait pas s'en inquiéter outre mesure. Les guerriers de têtes avançaient, stoïques comme s'ils avaient déjà traversé ces terres -ce qui était peut-être le cas.
Soudainement, Krastos leva le poing faisant saillir ses deltoïdes de forgeron bodybuildé. Tout le monde se figea sur le champ, le Champion d'Airain venait de repérer quelque chose de dangereux.
Il pointait du doigt un petit monstre frêle qui se découpait dans le ciel nocturne. La créature était à peine plus grosse qu'un enfant. Son visage allongé, son nez en bec de corbeau, ses oreilles pointues légèrement tombantes et ses grognements sinistres évoquaient un Gobelin, l'une des créatures les plus pitoyables qu'un guerrier pouvait espérer rencontrer. La créature se tenait sur un genre de tour de gué constituée de tiges de bambou accrochés au crâne géant d'un prédateur mort depuis des siècles.
- Gobelin ? Soupira Travakos à l'oreille de Kalexes, son entraîneur.
- Je ne sais pas trop. Possible. Ils sont rarement seuls. Répondit le guerrier en armure sombre.
- Gnoblar, je pense. Susurra Helax, le petit frère béni du Seigneur Raxos. Il y aura peut être des...
- OGRES ! Braya Raxos de sa voix tonitruante qui éclata comme le tonnerre. Un vol d'oiseaux de nuit s'envola terrifié.
Les arbres étaient secoués par la course de mastodontes bipèdes qui se dirigeaient vers les Brandons.
Ces derniers venaient de se séparer en hurlant un cri de guerre à la gloire de la Flamme sacrée. Les pillards les plus anciens étaient rompus à leur méthode de combat. Ils s'étaient séparés pour forcer l'ennemi à en faire de même, mais les deux initiés se retrouvaient seuls, perdus dans la forêt.
- Oh putain ! Oh putain ! Jurait Travakos en préparant son fléau d'arme embrasé, l'outil le moins adapté pour un combat entouré de branches basses.
- Il y en a un qui s'approche ! S'étrangla sa sœur Ottraya, la voix rendue aigüe par la peur.
Un Ogre fonçait sur eux, armé d'une masse aussi grosse que la jeune femme.
*
Comme d'habitude, le Seigneur Raxos était entouré des deux autres filles du clan. C'est ainsi qu'il avait constitué les groupes de combat pour une raison assez évidente, bien que personne n'osât jamais le lui faire remarquer.
Il savait que le temps leur était compté, la nuit était déjà bien avancée, et il serait difficile de monter un bon campement dès que le ciel serait noir comme la poix. Heureusement pour eux, les chasseurs Ogres pensaient exactement la même chose. L'arrivée des pillards du Chaos les avait ralenti et ces derniers enrageaient de devoir les combattre alors qu'ils n'étaient pas armés pour la guerre. Ils revenaient chargés de viande. Leurs armes de trait qui avaient été un gros avantage lors de leur partie chasse étaient presque totalement inutiles avec aussi peu de luminosité.
Eux aussi tentaient d'éviter au maximum la confrontation directe, mais s'ils pouvaient ramasser un peu de barbaque en plus au passage, c'était toujours ça de pris !
Raxos, la prêtresse Vatra et la guerrière Vaktrian étaient les plus proches d'une petite clairière, mais ils étaient également, sur la route d'un trio d'Ogres particulièrement imposants. Le combat s'engagea rapidement. Deux des Ogres avaient pris les trois guerriers en chasse tandis que le troisième avait bifurqué pour aller déloger les initiés restés en arrière.
Krastos, Helax et Kalexes fermaient la marche, bien décidés à isoler un quatrième Ogre retardataire.
Fort heureusement pour les Brandons, la nuit empêchait les colosses d'utiliser leurs armes de trait à plein potentiel, mais ces derniers réussirent tout de même à toucher Vatra et Travakos.
Ce dernier ripostait à distance, de toute l'allonge de son fléau d'arme, pour protéger sa petite sœur et lui permettre de se mettre à couvert. Ses attaques eurent le mérite de surprendre le chasseur Ogre qui s'attendait à des proies un peu plus dociles.
Tandis que Vatra essayait autant que possible de rester à bonne distance des traits des chasseurs géants, Vaktrian se mit entre elle et l'un de leurs énormes adversaires, bien décidée à protéger sa prêtresse. L'Ogre lancé en pleine course la faucha littéralement, l'envoyant valdinguer au beau milieu des fougères. Heureusement pour Vaktrian, à peine Vatra avait elle aperçu le premier Gnoblar, qu'elle lui avait aussitôt roussi les oreilles à l'aide du langue de feu. Ces derniers avaient immédiatement pris la fuite et n'étaient donc plus là pour achever les blessés de la bande !
Le Seigneur Raxos fût également la victime de la charge d'un Ogre, mais l'armure de ce dernier lui permit de rester sur pied en encaissant le plus gros du choc.
Le coup aurait pût déraciner un arbre, mais, crachant du sang, Raxos tenait bon. D'un coup de taille de son épée à deux main, il éventra son adversaire. Lâchant son arme, le chasseur Ogre retint ses tripes de tomber au sol de deux mains libres. Raxos et Vatra en profitèrent pour prendre la fuite.
L'Ogre survécut à la confrontation mais décida par la suite de prendre une retraite bien méritée.
Voyant le vent tourner, l'adversaire des deux initiés décida de laisser tomber leur poursuite pour aller suivre son chef vers un coin de la forêt plus sécurisé et propice à la création d'un campement. Les deux jeunes guerriers restèrent cachés à couvert un moment, prêts à défendre leur vie si leur poursuivant décidait de venir finir le travail.
De leur côté, Krastos, Helax et Kalexes se jetèrent sur l'Ogre retardataire armé d'une espèce de canon chargé de lances, de masses et d'autre projectiles aussi surprenants que dangereux.
Alors qu'ils allaient fondre sur le chasseur pris au dépourvu, un Gnoblar venu de nulle part s'interposa entre l'Ogre et le Champion d'Airain. Profitant de cette opportunité, l'Ogre décida de se débarrasser de l'adversaire le moins dangereux des trois afin d'équilibrer les chances. Il utilisa son canon comme un bélier, et l'une des lance qui en dépassait s'enfonça dans le ventre de Kalexes qui grognait de douleur en s'effondrant au sol.
Bien entendu, Krastos se débarrassa du Gnoblar en le regardant à peine, tandis qu'Helax s'embrasait pris par une rage combattive soudaine. Ce dernier martelait l'Ogre de ses poings enflammés. Aussi puissant et résistant qu'il pouvait l'être le chasseur n'avait aucune chance face aux deux combattants aguerris qui le mirent rapidement au sol.
*
Les bois redevenaient silencieux. Travakos et Ottraya recroquevillés sous la souche d'un chêne de sang attendaient, le cœur battant que les minutes passent. La main d'Ottraya effleura un bout de parchemin. Il s'agissait d'une carte de la zone tracée en encre rouge. Formidable ! Les jumeaux allaient pouvoir rentrer sereins, malgré le retard qu'ils avaient fait prendre au reste du groupe, le Seigneur Raxos les pardonnerait en voyant la carte... peut-être...
Le domaine de Mordant s’étendait sur un petit territoire, au dessus des ruines de Velorum la Perdue. Il consistait principalement en un lac toujours gelé et entouré de neiges éternelles, en dépit de la faible altitude du lieu dans la chaîne des Pics du Crâne.
Le blanc s’étendait sur quelques kilomètres carrés, tranchant avec le gris coloré du granit qui apparaissait autour. Et au milieu du blanc pur, des lignes parallèles d’un rouge vif, menait jusqu’au rituel qui se tenait au milieu du lac.
Transpirants, les jeunes recrues de la tribu des Favoris de Mordant, venaient juste de casser l’épaisse couche de glace pour former un puits sacrificiel.
Les guerriers plus aguerris maintenaient de force trois prisonniers accroupis dans la neige. C’étaient les derniers survivants de leur dernier raid sur un campement de bande rivale.
Les morts avaient également été amenés, empilés sur deux traîneaux, où ils se vidaient par leurs plaies béantes.
Sus, l’Oracle de Mordant, un couteau sacrificiel à la main, prit la parole en s’approchant des prisonniers. Sa voix portait très loin, dans le calme du lieu.
— «Vaincus, Mordant vous réclame. Il a soif. Mais il ne veut pas que votre sang, il veut vous voir, il veut voir votre sacrifice !»
Puis, la tête en arrière, il enfonça son couteau dans chacun de ses yeux. Il ne tressaillit même pas car après tout, ce n’était ni la première, ni la dernière fois qu’il le faisait. Puis tandis que le sang chaud et fumait sur ses joues, il sortit un gigantesque œil d’une bourse de peau tannée qu’il avait à sa ceinture, puis le tint d’une main, tourné vers les prisonniers.
Quand Sus reprit, sa voix avait changé, dénuée de la moindre chaleur, et pour la première fois depuis longtemps, une très légère brise, à peine perceptible passa entre les participants assemblés.
— «J’ai un message, mes Favoris. Il va vous falloir descendre de notre territoire, et retourner en plaine. Vous êtes attendus. Vous n’avez qu’à suivre le vent…»
Sur ce dernier mot, une violente bourrasque se mit à souffler, charriant la neige posée sur le lac, se dirigeant vers le Nord-Est, vers la route qui reliait la forteresse de Varanspire à la Mâcheporte.
— «MAIS MAINTENANT, J’AI FAIM !»
Hraed, le chef de la bande et Exécuteur pour Mordant hocha la tête puis sans un mot, de sa gigantesque hache coupa la tête des trois prisonniers au dessus du puits. Plus le sang coulait, plus l’air fraîchissait.
Une fois que le sang se tarit des corps étêtés, ils furent jetés dans le puits, ainsi que les corps qui avaient été amenés, avec les traineaux. Ils n’en auraient pas besoin dans la vallée.
Mordant était content, le sang et les crânes seraient pris dans les glaces très vite.
***
Velorum la Perdue n’était plus que quelques murs effondrés. Parfois un bout de statue frappé d’un éclair stylisé se devinait sur un pan de mur ou au sol sous la végétation. La cité avait été florissante, mais plus grand monde ne pouvait en témoigner. Pour les mortels du moins, qui ne pouvaient pas prétendre à avoir connu cet âge.
Un des anciens faubourgs était parcouru d’un ruisseau à l’eau sale, qui avait peut être fait le bonheur des filatures autrefois, mais qui aujourd’hui faisait le malheur de la faune et de la flore qui s’y abreuvaient.
Les environs étaient parsemés de corps d’animaux en décomposition, de plantes malades, et seules des nuées de nuisibles semblaient s’épanouir dans ce cloaque.
En amont de ce ruisseau, un lac gelé fournissait l’eau souillée par les sacrifices des prisonniers des Favoris de Mordant.
Grand-Père Nurgle avait toujours su soustraire les offrandes à son frère.
[Spoiler: Violences sexuelles non-explicites]
Les Janissaires Dépravés
Le caravansérail de l’Oasis de la Crinière Dorée tirait son nom d’un monument à quelques heures de là. C’était généralement la dernière halte des pèlerins qui s’y rendaient, ainsi qu’un des rares lieux de repos pour les marchands et voyageurs qui devaient traverser le désert de La Désolation de Khul. Le lieu était paisible, les soldats des différentes caravanes et des escortes aussi bien que la poignée de soldats qui y étaient en garnison suffisaient à imposer un semblant de paix juste par leur présence. Beaucoup de mercenaires douteux y passaient, et généralement, ils arrivaient discrètement, et repartaient également sans un bruit.
Pâles dans le lointain, les éminences des Flèches de Feu portent bien leur nom. Le soleil qui se levait à l’Est les éclairait de son rougeoiement et magnifiait leur couleur naturelle. Le ciel était encore sombre à l’Ouest, et l’horizon dessinait donc des dents rougeâtres sur fond anthracite.
La nuit avait été très reposante pour Neocaisaros. Sa caravane avait récupéré une grande quantité d’épices, de tissus, de tapis sur le port de Fort Ignis qui était le terminus de beaucoup de bateaux venus des lointains rivages de l’Est. Certains contournent la Désolation et vendent leurs chargements directement sur les marchés des faubourgs de la Forteresse d’Obsidienne. Lui vivait des chargements qui ne passaient pas par la mer.
Mais si la nuit fût bonne, le réveil le fût moins. Il profitait de l’air encore frais de l’aube, quand il entendit des discussions animées dans les tentes de sa caravane. Puis des cris.
Certains des membres de sa garde avaient été retrouvés égorgés. Et si la vente de sa marchandise était la source de son revenu, des voyageurs payaient pour sa protection. Cette fois, un vieux rat de bibliothèque aussi racorni que les livres qu’il portait, ainsi que quelques familles qui cherchaient à rejoindre l’Ouest pour s’y installer avaient payé leur place dans sa caravane.
Et c’était eux qui manquaient.
Tout d’abord, il était certain pour Neocaisaros qu’ils l’avaient abusé. Ils avaient rejoint la caravane pour la piller à la première occasion, et c’était chose faite. Il allait falloir faire l’inventaire de ce qu’ils avaient dérobé et voir si le temps et l’énergie à consacrer à les poursuivre allait pouvoir compenser le butin des fuyards.
Puis bien plus tard, il apprit que les autres marchands avaient été victimes des mêmes crimes. Soldats tués et voyageurs disparus.
Il fallut que la garde qui veillait sur l’Oasis enquête un peu pour faire le lien entre les différents événements : des gardes neutralisés, des familles disparues, et surtout une bande de mercenaires qui avait pris la clef des dunes.
Le sable gardait les traces des passages, surtout quand il y avait peu de vent comme ce jour-là. Le problème était que les mercenaires semblaient s’être séparés et étaient partis dans toutes les directions à la fois…
***
L’esclavagisme était mal vu dans les villes. Mais dans certains coins reculés de La Désolation de Khul, la main d’œuvre gratuite était préférée à la main d’œuvre bon marché. Et là où il y avait un besoin, il y avait des marchands.
Les Janissaires d’Hanan s’étaient spécialisés pour trouver ces esclaves. Ils avaient toujours de la marchandise de premier choix. De nouveaux esclaves qui n’avaient pas encore été brisés par des années de labeur. Ils demandaient généralement plus de coups de fouet pour accepter la servitude, mais il était compliqué d’avoir de la première main.
Cette fois, ils avaient amené deux familles. L’un des deux chefs de famille était forgeron, l’autre charpentier. Leurs compétences seront appréciées au fond de la mine. Les femmes et les enfants qui les accompagnaient serviraient respectivement d’aides de camps et de futurs mineurs dans les sous sols, pour remonter la lignite qui servira dans les forges Sigmarites des environs. Et femmes et enfants permettront également d’assurer la docilité des nouveaux venus.
Hanan maintenant délesté des familles enlevées à l’Oasis de la Crinière Dorée savait qu’il ne pourrait pas y remettre les pieds. Il avait déjà décidé de partir vers le Sud, sur la côte. Le désert était épuisant, et il fallait parfois passer de longues journées sans trouver quoi que ce soit à capturer. Souvent, des malfrats ayant sévi dans le Sud de la Désolation de Khul vantaient les richesses récupérées en jouant les naufrageurs le long de la côte ou en explorant les ruines des Forts Dents-de-Scie qui surplombent toujours les flots.
Ils avaient en plus avec cette dernière vente de quoi tenir quelques semaines sans souci, et c’est après avoir rempli de nombreuses outres d’eau et avoir racheté à prix d’or quelques denrées que la mine acceptait de leur céder qu’ils partirent vers le Sud-Ouest, pour minimiser leurs chances de tomber sur une patrouille du caravansérail de la Crinière Dorée. Prochaine étape, la mer des Eaux Sanglantes.
***
Le paysage était monotone, un erg sans fin. De la caillasse, et encore de la caillasse, fendu par une route à peine dessinée par l’usure causée par les caravanes s’étant succédées au fil des ans.
Hanan fut surpris quand il vit le gros de la caravane rattraper ses éclaireurs. Kaliq et Zakiyah étaient arrêtés et regardaient vers l’avant.
— «Qu’est-ce qui se passe ? dit Hanan.
— Une voyageuse. Seule» répondit Kaliq.
Hanan regarda l’endroit que désignait Kaliq avec une longue vue qu’il avait avec lui, et il découvrit effectivement une femme, qui avançait seule, sans escorte d’aucune sorte, sur la piste. Elle avançait en s’appuyant sur ce qui semblait un bâton plus haut qu’elle.
— «Et bien capturez-la.
— Bien mon Cheikh…»
Aussitôt les deux éclaireurs, suivi de quelques autres cavaliers s’élancèrent à la rencontre de la femme, et commencèrent à tourner autour, pour l’empêcher de fuir. Elle ne tenta pas de se défendre, et resta au sol quand un des cavaliers lui assena un coup de pied au visage.
Elle fut prestement enchaînée et amenée jusqu’au reste de la troupe.
Hassan pu découvrir la captive, et il remarqua qu’elle était très belle. Elle exhalait une douce odeur, mélange épicé et musqué, qui donnait à sa peau noire l’apparence d’un met délicat et rare. Cette odeur le titillait, et il ne semblait pas être le seul, puisqu’il dû repousser ses guerriers qui lorgnaient de façon trop insistante sur son nouveau trésor.
***
Pendant tout le trajet du reste de la journée, il eut l’impression de remarquer des choses anormales. Tout d’abord, après qu’il eut imposé que la captive fut chargée sur sa monture, il lui sembla que ses guerriers s’approchaient de lui pour galoper à ses côtés. Parfois même les sens échaudés de ses guerriers les faisaient se chamailler, oralement comme physiquement, et quelques chutes furent à noter après que plusieurs guerriers se soient disputés une place à ses côtés. Lui-même se trouva parfois à défendre son espace opiniâtrement, accélérant pour distancer les curieux.
Autre chose étrange, il remarqua que la captive était consciente. Jamais elle ne tenta de s’enfuir, ni même d'émettre la moindre objection à sa capture. Elle était là, ligotée, sans réaction, sans même exprimer la moindre inquiétude.
Il eut le plus grand mal à repousser ses hommes lorsqu’à la tombée de la nuit il montaient leurs tentes. Il hurla même sur un de ses hommes qui s’était approché trop près de sa prisonnière. Il avait l’impression d’être une hyène repoussant un congénère ne respectant pas l’ordre d’attribution de la pitance.
Son odeur l’enivrait. Son odeur le rendait fou. Il sentait les pulsions et la colère obscurcir sa vision d’un voile carmin.
Toute la nuit, il entendit des bruits de l’autre côté de la tente. Ces chiens qu’il appelait ses hommes avaient flairé sa possession. Mais c’était lui qui dominait, c’était à lui de se servir en premier.
Et la longue nuit de Glissete, la captive, ne fit que commencer. Pourtant, elle ne gémit pas une fois, ne se débattit pas une fois tandis que tous les hommes sans exception de la bande passèrent par la tente du chef, partager le butin de la meute, parfois plusieurs fois chacun.
***
Le lendemain, ouvrant les yeux, Hanan ne retrouva pas son trésor, et la sensation d’avoir perdu tout ce à quoi il tenait le pris à la gorge. Il se rua au dehors de sa tente, encore nu, et trouva Glissete auprès du feu avec deux guerriers qu’il ne connaissait pas.
Il s’arrêta de surprise, puis fut soulevé du sol et jeté aux pieds des inconnus. Tourmenté par la perte de Glissete, il n’avait pas vu le gigantesque Slaangor derrière lui qui l’avait projeté.
Le plus grand des guerriers qu’il ne connaissait pas se leva et le maintint au sol de sa botte. Ses atours semblaient ceux d’une guerrière, mais sa voix était celle d’un homme.
— «Bonjour, Hanan. Je suis Vasillac. Et ta bande va dorénavant travailler pour moi. Votre salaire sera Glisette».
***
Les janissaires changèrent de plans dans les mois qui suivirent, et ils pillèrent de bien nombreux villages, repartant avec les deux seules choses qui leur importait. Des captifs, et leurs tourments.
La bande partit bien vite de la Désolation de Khul, semant la terreur et la désolation, et s’attirant l’inimitié de tous ceux qu’ils affrontaient. Il y avait trop peu de villages, et beaucoup de pillards. La chance des Janissaires Dépravés était qu’ils vendaient les services de leurs esclaves torturés, passant de camp en camp et vendant les charmes de leurs captifs.
Généralement, ça se passait bien, et ça aurait pu être lucratif si ce commerce était marchand. Mais les Janissaires vendaient la dépravation contre la souffrance de leurs esclaves. Parfois, ça se passait moins bien. Ils avaient noué des relations exécrables avec tous ceux qui n’étaient ni leurs clients, ni leurs victimes. Et ils avaient de bien nombreuses fois affrontés des fanatiques et preux guerriers insensibles aux avantages de ce lupanar itinérant ressemblant parfois à une attraction de forain présentant des monstres aux gens crédules.
Ils avaient notamment eu de nombreux accrochages avec les Brandon de Mar’lo. Des fanatiques ayant toujours de la poudre d’Amadouvier à portée. Ce qui s’embrasait à la moindre étincelle.
Puis dans un jeu du chat et de la souris, les deux bandes passant un temps non négligeable à se tourner autour et saboter leurs plans respectifs, Les Janissaires Dépravés d’Hanan passèrent d’Aqshy aux Huits Points, à la suite des Brandons de Mar’lo, cherchant à se venger d’un affront quelconque, peut-être même déjà oublié. S’il avait déjà eu lieu.
Quelques jours plus tard, Hanan et ses guerriers se retrouvaient par un hasard de circonstance dans les tribunes d’une vieille arène des Vestiges de Soufflesang.
Des Hérauts y parlaient de Gloire, de Sombre Seigneur, de Mort, de Violence. Et il voyait toutes ces promesses non loin, mais les Brandons lui promettaient l’assurance d’un avenir où tout ça arriverait, et en excès.
Les Brandons de Mar’lo
L’histoire des Brandon de Mar’lo se perd dans les brumes du temps. On prétend que leur origine remonte au Monde qui Fût quand un héros mythique nommé Mar’lo le répurgateur et sa troupe de valeureux guerriers traversaient les terres de légende pour porter la parole de la flamme sacrée. Certains prétendent qu’il était un Éternel de Sigmar, d’autre un Saint Homme qui purgeait le mal par les flammes. En tout cas, sa légende a survécu et le temple des héritiers de la flamme des Brando de Mar’lo le vénère comme fondateur mythique.
Vatra, la prêtresse ardente récitait le crédo devant une troupe de jeunes enfants qui buvaient ses paroles sous le soleil couchant des soirées brûlantes d’Aqshi.
Notre Seigneur Raxos Carvas ici présent, poursuivit elle en désignant diligemment le colosse en armure de bronze affalé dans son trône de pierre surplombant la cour du temple, est le porteur des reliques sacrées du temple et l’un des gardiens de la Flamme éternelle. Sa mission, et celle de nos valeureux champions, est de porter haut la parole de la flamme et de purger les impies qui nieraient la supériorité absolue de la Flammes sur tous les autres divinités et éléments. Qui peut me dire quelles sont les vertus de la Flamme ?
Moi ! Moi ! s’écrièrent les enfants en levant la main, excité de pouvoir donner des réponses faciles.
Je t’écoute Haxos.
La Flamme réchauffe ! Annonça fièrement le bambin.
Bien. Quelqu’un d’autre ?
Elle cuit les aliments ! Enchérit une petite fille.
C’est bien ! Autre chose ?
Elle brûle !
Elle purifie !
Elle permet de forger des armes !
C’est le premier outil !
Elle éclaire !
Elle repousse les bêtes !
Elle repousse les ténèbres !
La liste continuait, encore et encore, les enfants redoublant d’inventivité pour épater leur maîtresse devant le regard fier et amusé du Seigneur Raxos.
La Flamme, les enfants, expliquait Vatra, est une force qui nous pénètre et nous traverse, et qui lie toutes les créatures et toutes les choses inflammables en un tout unique. Si vous vous entraînez suffisamment, il est possible de la dompter et de s’en servir.
La prêtresse ponctua son discours en soufflant sur une petite torche. Un jet de flamme en jaillit et alla embraser un petit buisson sec qui se racornit aussitôt. Les enfants étaient aux anges. Rien ne leur plaisait plus que de voir des choses incendiées.
La vie était paisible dans le temple. La troupe des guerriers revenait à peine d’une purge dans les terres de l’Ordre. Ils avaient immolé des mécréants, pillé, violé leur saoul et il était temps de profiter d’un moment de répit.
Les jumeaux Vortos, les derniers initiés, s'entraînaient avec les frère et sœur Hastanax. Les deux Ignés étaient chargés de leur formation martiale car les jumeaux les accompagneraient pour la première fois pour une véritable mission. Ils n’étaient pas encore autorisés à porter de véritables armes. Ils combattraient donc avec un encensoir et avec un chandelier assez lourds pour briser un crâne.
Krastos, le grand frère de Vatra et Champion d’Airain du temple, était quant à lui occupé à la forge. Il pouvait passer des heures à marteler. Raxos le soupçonnait de taper sur le métal sans autre but que de se défouler, car sa production d’armes était finalement assez anecdotique. Enfin, Helax, le jeune frère du seigneur Raxos, pratiquait inlassablement son tao et ses danses rituelles. A sa naissance, un vieux prêtre avait prédit qu’il parviendrait à communier avec la Flamme mais jusqu’à présent, il n’y était jamais parvenu.
Combien de temps par jour peux-tu passer à frétiller comme une braise au vent jeune frère ? Moqua Raxos de sa voix tonitruante qui gronda comme le tonnerre sur la montagne.
Au son de sa voix, tous se figèrent et le regardèrent inquiets. Raxos était connu pour ses excès de violence. Sa rage et sa fureur était légendaire et tout le monde se demandait si Helax avait fauté et s’il allait de nouveau servir de souffre douleur à son aîné.
Helax serrait les dents, visiblement courroucé. Le Seigneur Raxos portait une armure ouvragée qu’il ne quittait jamais. Il était armé de l’espadon relique. Il était, pour ainsi dire, à part les deux Ignés, le seul soldat en arme de la troupe. Helax était à demi nu et n’avait jamais eu l’autorisation de prendre les armes. Bien qu’il ait compensé par une solide formation en arts martiaux, il savait n’avoir aucune chance face à son frère et devrait, une fois de plus, subir ses affronts sans broncher.
Mais il le savait, malgré ses grands airs, Raxos était jaloux car ce n’était pas lui le véritable élu annoncé, ce n’était pas lui qui était destiné à communier avec la flamme. Au final, il n’était qu’un colosse de granit aussi inutile qu’une statue dans un jardin !
Danse pour nous ! Insista Raxos pour humilier son frère.
C’en fût trop ! La rage consuma littéralement le jeune Helax. Des flammes sortaient à présent des pores de sa peau, couraient le long de ses bras et de son torse alors que son kata devenait plus ample, plus vigoureux et plus combatif. Il poussa un hurlement de défi et son torse s’embrasa totalement.
Dans le temple, les spectateurs étaient sans voix, médusés. Raxos se leva et toisa son frère, incrédule.
Tu l’as fait ! Loué soit la Flamme ! Ta colère t'a rendu plus fort que jamais petit frère ! Tu l’as fait ! Tu as enfin communié avec la Flamme éternelle ! Raxos était honnête, il était épaté, fier et interloqué à la fois.
Imitant leur seigneur, les autres membres de la congrégation explosèrent de liesse. Seule la peur de finir immolés les gardait de porter Helax en triomphe. La colère de ce dernier s’était muée en fierté car le peuple d’Aqshi est ainsi. Il passe d’une émotion à une autre en un claquement de fouet…
Aujourd’hui est un grand jour mes frères et sœurs ! La Flamme nous a montré la voie au travers de mon petit frère ! Nous allons porter la bonne parole, piller et brûler en son nom ! Jamais le temple ne se sera couvert d’autant de gloire ! Nous irons aux huit points, jusqu’à la Varanspire et Archaon lui-même entendra notre nom !
Quand partons-nous ? demanda Kalexes Hastanax qui avait brutalement mis un terme à l'entraînement des initiés d’un violent coup en traître sur la tempe du jeune Travakos tandis que ce dernier observait le miracle en cours.
Maintenant ! Tona Raxos. Dès que tu auras réveillé ton disciple et que vous aurez réuni le matériel et les provisions.
Combien de temps durera notre voyage ? S’enquit Vatra que l’enthousiasme de son maître commençait à inquiéter.
Des jours, des mois, des années ! Le temps qu’il faudra pour que nous laissions notre empreinte sur les Royaumes Mortels ! Conclut le colosse en armure.